Pourquoi les jaguars ne font pas d’abdos ! #2
Un jaguar qui court se ramasse en son centre : les pattes arrière se rapprochent du ventre, comme les pattes avant. Tout son corps est prêt, disponible à la propulsion.
Quelle que soit l’action à accomplir, tout de lui-même est orienté vers l’action. Sa tête regarde devant, libre à la vigilance. Qu’il mange, qu’il dorme, il est à ce qu’il fait. L’animal est rythmé par ses besoins essentiels.
L’homme se crée une narration, un récit, autour des actes de la vie. Il se conditionne et conditionne ses actes.
Si l’animal a plus d’inné que d’acquis, l’être humain, lui, passe par un long et progressif apprentissage pour devenir adulte.
Et nous vérifions chaque jour que nous sommes des êtres très conditionnés ; et nous avons besoin de renouveler notre disponibilité pour apprendre ; et apprendre nous renouvelle.
Cependant, la frontière entre l’animal et l’être humain s’atténue : nous découvrons des espèces capables de narration, d’émettre des moyens de communication, et même de laisser des traces sonores ou écrites. L’humain tente un rapprochement à la nature ; et peut redécouvrir ses similitudes avec l’animal. (Bien sûr certains n’ont jamais perdu ce contact.)
L’homme sait grimper, courir, marcher, se coucher au sol, mais il s’est éloigné de ces actes simples en suppléant sa vulnérabilité par les outils, la technologie. Il devient sédentaire. Son confort et son besoin de confort entrent dans la fresque du progrès.
Alors, pour agir, il a besoin de se conditionner, de s’exercer. Dans sa sédentarité l’homme a perdu le sens du mouvement, avec un sens kinesthésique
et proprioceptif. Il perd ses appuis, sa relation aux supports gravitaires : connaître ses appuis, comment s’asseoir et, du support, comment se lever facilement. Agir orienté dans l’espace. Il a découpé les gestes, les actions en exercices. Des exercices qui ne font travailler qu’une partie des muscles alors que la coordination est la garante d’une action efficace.
Faire des abdos peut raccourcir les grands droits, et cela empêche l’extension du bas du dos.
En Feldenkrais chaque séance de groupe – la Prise de Conscience par le Mouvement – est différente ; on cherche à développer les sens du mouvement avec la relation à tout notre être dans l’espace. Tout s’organise : être humain ce n’est pas prendre son corps comme un outil qu’il faut dresser.
En recherchant cette coordination profonde dans un accord entre la respiration, l’organisation du mouvement, la synergie des différents groupes musculaires. Nous pouvons alors retrouver la puissance de l’action ; nous distinguons la force de l’effort.
L’attention à soi, les chemins neuronaux, se développent grâce à cette méthode Feldenkrais, outil de transformation neuroplastique.
Laisser émerger une activité orientée comme le jaguar qui coure vers là où il regarde et ne regarde pas là où il court…
« Rien dans nos comportements n’est permanent, si ce n’est notre conviction qu’ils le sont. »
Moshe Feldenkrais