Sport et Feldenkrais :
une autre voie pour la performance

8

AVRIL, 2024

Auteur

Nathalie Touaty,
praticienne Feldenkrais,
a été danseuse et chorégraphe.

Catégories

Les Jeux olympiques 2024 vont bientôt s’ouvrir. Le sport de très haut niveau va devenir spectacle pour le plaisir de tous ; le public va s’émerveiller : les yeux vont briller d’émotions.
Derrière ces moments, il y a beaucoup de sacrifices, d’ascétisme, de volonté de soi.
La méthode Feldenkrais, qui est bien plus qu’une gymnastique intelligente, une mise en
mouvement, permet de développer les capacités physiques, mentales et émotionnelles d’une autremanière.

« We do not want to strengthen the will, but the ability » nous dit Moshe Feldenkrais

Le corps, une unité somato-physique et psychique

Le corps est souvent – et malheureusement – vu et vécu comme un outil, un moyen pour arriver à nos objectifs. Cela est pourtant loin de la réalité.
Le corps est un ensemble physiologique sans lequel notre cerveau ne pourrait pas fonctionner.
Cette unité corps-esprit s’éloigne d’une pensée magique qui nous amènerait à créer des états de conscience particuliers…
Et pourtant nos corps résonnent et changent d’état selon ce qu’on vit ; l’environnement physique, social et émotionnel dans lequel nous vivons entraînent des attitudes perceptives et sensorielles propre à chacune, chacun.

Nos expériences de mouvements, d’espace, les autorisations parentales et autres ont conduit à des autorisations personnelles qui nous permettent d’appréhender le monde qui nous entoure, les relations.

Quand on pratique un sport, ou un art il s’agit en premier lieu d’apprendre des coordinations, des techniques, puis de devenir expert, de trouver son style, et sa relation aux limites comme à ses succès. Nous pouvons observer nos postures, nos souplesses et nos manques de souplesse, nos mobilités et nos absences de mobilité.

Il est peu interrogé le fait que certaines potentialités ne sont pas à débloquer par un surentrainement, par plus d’efforts pour y arriver mais qu’elles peuvent être libérées par des stratégies.
Le sportif ou l’artiste – comme le danseur ou le musicien, le circassien – passe des paliers, s’améliore puis son apprentissage peut cesser, par exemple, soit à cause d’une blessure, soit par un manque de plaisir, soit par l’incapacité à changer des habitudes gestuelles.

Pour cet apprentissage s’organise un dialogue intérieur : le prix à payer pour devenir meilleur, plus performant tout en gardant – si possible- le plaisir.

Que se passe-t-il quand nous atteignons un plafond ?

Que la performance soit sportive ou artistique, les sportifs et les artistes connaissent au cours de leur carrière un palier difficile à franchir.
Alors on cherche à améliorer la posture, on cherche à augmenter sa masse musculaire, on augmente sa résistance musculaire, on augmente l’endurance.
Mais que se passe-t-il quand le sportif ne peut dépasser le seuil de certaines compétences expressives et de coordination, le seuil de certains résultats ?
Que se passe- t-il quand le sportif a développé une compétence technique optimale mais qu’un seuil ne peut être dépassé ?

À quoi ça tient-il ? Ça peut se jouer … à rien…

Les danseurs, les comédiens, les chanteurs pratiquent pour beaucoup des méthodes d’éducation somatique. Ils y trouvent une autre façon de s’échauffer, sans forcer sur la musculature ce qui libèrent des tensions, et à long terme des mémoires traumatiques comme les blessures physiques.
Ils y trouvent un nouveau dialogue avec leur tonus. Ils prennent conscience de la manière dont leurs gestes se font: la prise d’appui pour une coordination complexe, les habitudes posturales, la façon de respirer.
Ils cherchent à modifier les pré-mouvements (une pré-organisation posturale et intentionnelle nécessaire au geste) à trouver ceux qui soutiennent l’expressivité, à changer leur imaginaire du geste.
Depuis plusieurs années, s’entraîner à un très haut niveau ne s’arrête plus au seul travail technique et musculaire. Les coachs utilisent le sensible par du dialogue verbal, du soutien psychologique, des techniques de visualisations et des approches neurocognitives sont intégrées.

Avec la méthode Feldenkrais, nous partons de ce que le sportif sait faire, dans l’aisance. A partir de la prise de conscience de comment il, elle s’organise dans son niveau optimal, nous créons des transferts d’apprentissage vers ce qui est moins performant ou ce qui s’inhibe involontairement et devient absent du geste, ou un geste manquant 2 .

Si par exemple, pour faire une pirouette qui finira en chute, la difficulté n’est ni de tomber, ni de faire la pirouette , mais ce passage qui doit se faire rapidement : est-ce que la tête tient trop ?
Est-ce un bras qui anticipe et par là même empêche?

Ou si un nageur tourne la tête d’une fraction de seconde en retard ce ne sont pas ses cervicales, ou sa musculature qui ne répondent pas, mais peut-être est-ce sa respiration, ou sa manière de
prendre appui sur l’eau qui pourrait changer ? Est-ce que l’apprentissage d’une coordination subtile entre les yeux et la respiration viendrait l’aider et l’améliorer ?

Ces questions trouvent leur réponse dans un dialogue entre le praticien et l’élève : un dialogue verbal et par le toucher vient développer les stratégies de mouvement pour modifier une habitude et trouver l’accès à l’amélioration.
C’est un changement dans le vécu. En modifiant l’accès à la technique, en jouant avec l’environnement et l’imaginaire du geste, on développe une disponibilité bien utile à la performance.

La recherche en sport confirme cela

Une étude a montré que les plus grandes performances sont dues à un état de disponibilité optimum.

Quel est cet état ? C’est un dialogue tonico-postural qui s’exprime par : une capacité à agir dans toutes les directions, à pouvoir changer de direction au cours de l’action, à n’avoir aucune pensée parasite.
Comment ne pas créer ces parasites ? C’est un regard ouvert, c’est une stabilité-mobilité dans la posture. Cela passe par un travail de multiplications des coordinations, de l’ouverture de la perception par des entrées d’attention à soi variées.

Si l’état du sportif est trop dans la concentration, il perd une disponibilité et une adaptation ; si son intention du geste se dirige uniquement sur le résultat il y perdra son énergie par trop d’effort volontaire.
Dans un article 3 , « le simple fait de se tenir debout… », Thierry Paillard de l’Université de Pau et de l’Adour, chercheur neurophysiologiste, établit les paramètres de ce debout.

Travailler sur la proprioception et sur l’attention permet de développer la capacité à traiter les informations qui nous arrivent de l’extérieur et aussi de l’intérieur. C’est source de capacités à agir, à choisir.

Par la pratique sportive nous pouvons améliorer notre capacité à être debout, en équilibre mais aussi comme sportif en améliorant les différentes entrées sensorielles, attentionnelles et perceptives nous pouvons atteindre d’autres résultats en nous économisant, avec une meilleure énergie, régulée et une récupération physique et émotionnelle plus complète.

Pratiquer la méthode Feldenkrais™ – comme d’autres méthodes d’éducation somatique- n’est pas antinomique avec l’entraînement classique mais bien complémentaire.
Cela contribue au plaisir et au désir de poursuivre sa pratique.

Notes :

1 – Moshe Feldenkrais naît en Ukraine le 6 mai 1904 et décède à Tel Aviv en 1984 ; il créa la méthode à partir de son expérience d’expert en judo, de ses recherches en neurosciences et en pédagogie du mouvement
ayant été lui-même chercheur en science physique.
2 – Notion empruntée à Hubert Godard, maître de conférence à l’Université Paris8, analyste du mouvement dansé

Extrait d’un cours debout

Offert par Nathalie Touaty

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